Mireille Jacotin & Françoise Dallemagne – Bas les masques…
« Carnavals d’ici et d’ailleurs », du 13 décembre au 22 mars à l’Hôtel Départemental des Expositions du Var à Draguignan.
Françoise Dallemagne et Mireille Jacotin sont les commissaires de l’exposition “Carnavals d’ici et d’ailleurs“ qui présente à travers un parcours rythmé et coloré des costumes, masques, œuvres d’art, gravures, films, photographies et autres merveilles des carnavals du monde.
Que pourrons nous voir, découvrir dans l’exposition “Carnavals d’ici et d’ailleurs“ ?
L’exposition a été imaginée à partir des représentations et des usages du carnaval; cette fête existe aujourd’hui dans le monde entier, sous des formes toujours renouvelées, dans la mesure où il s’agit d’une fête populaire. Nous avons choisi de concevoir un parcours où alternent des œuvres d’art et d’archéologie, mais aussi des objets d’art populaire comme les masques et les costumes de carnaval. Nous sommes particulièrement reconnaissantes aux musées d’archéologie d’avoir accepté de prêter pour la durée de l’exposition la galvanoplastie du bassin de Gundestrup, la monumentale sculpture en marbre de Pan et Daphnis (Naples) et le ravissant Faune de Cimiez (Nice), pour témoigner de l’esprit de vie de ces personnages hybrides qui relèvent des mythes celtes et méditerranéens. Seront également présentées des créations d’artistes contemporains, comme Ben, Patrick Moya, ou Pierre Alechinsky.
En quoi sont importants ces moments de relâchement, de déguisement, est-ce une sorte de défoulement ?
La société civile a parfois besoin de s’organiser autrement que selon des normes établies par des pouvoirs surplombants, et le renouveau cyclique doit s’exprimer socialement. A Bâle par exemple, chaque clique s’organise de manière autonome pour participer au carnaval mais doit déclarer auparavant au comité communal comment elle envisage de défiler. À Rio, c’est au sein des écoles de samba qu’à partir du mois de novembre, on définit comment seront les costumes, les danses, les couleurs, les chars, puis un jury désignera le meilleur groupe de l’année selon des critères très précis. Et en pays languedocien, existe toujours la tradition des pailhasses, avec ces hommes au costume bourré de paille, portant chapeau-claque rehaussé de plumes de dinde et sur les épaules, des rameaux de buis verdoyant ; la ville est à eux pendant une journée.
Dans cette exposition, donnez-vous la parole à ceux qui participent au carnaval et font vivre cette tradition renouvelée chaque année ?
Certains carnavaliers ont bien voulu prêter pour l’exposition des costumes qu’ils ont parfois créés ou fait créer pour leur participation à des carnavals. On pourra voir notamment les costumes des Masqués Vénitiens, tant il est vrai que le carnaval de Venise constitue une fête très particulière, féerique et empreinte d’une grande délicatesse qui reste toujours inspirante aujourd’hui et de manière quasi-universelle. Et puis, sont présentés des costumes exceptionnels de la collection d’Alain Taillard, d’origine belge et qui participe chaque année au carnaval de Rio: plumes, paillettes, couleurs participent à l’éclat du destaque, le personnage principal sur le char.
Quels partis-pris avez-vous privilégiés pour concevoir cette exposition ?
Exerçant toutes deux dans un grand musée de société, l’HDE nous a invitées à imaginer un parcours permettant de partager avec le grand public des notions-clefs pour comprendre pourquoi encore aujourd’hui, le carnaval constitue une tradition vivante et renouvelée chaque année. Des dispositifs spécifiques ont pu être conçus, comme un audioguide pour accompagner la visite des adultes en individuel, mais aussi un audio-guide pour le jeune public qui peut découvrir ainsi l’exposition en autonomie et à la recherche d’un trésor… Un jeu interactif sur un écran tactile permet également de comprendre l’image du célèbre tableau de Brueghel : « Le Combat de Carnaval et de Carême », et une roue calendaire a été conçue avec le service des publics de l’HDE pour aider à comprendre comment on fixe dans le calendrier les dates des fêtes mobiles comme mardi Gras. Un parti-pris scénographique avec l’agence Fabula Factory a été de privilégier la couleur et la gaieté pour faciliter la compréhension du cheminement, de l’espace européen jusqu’au carnaval de Rio. Et puis nous savons bien que le public de l’exposition « Carnavals d’ici et d’ailleurs » est lui-même porteur de savoirs et de mémoires spécifiquement attachés à cette tradition du carnaval, tout simplement pour avoir participé à des fêtes masquées, avoir aidé à réaliser des déguisements pour les enfants par exemple, ou même faire des crêpes à la chandeleur et des oreillettes, des gaufres et des bugnes… pour ces fêtes du creux de l’hiver. Nous sommes tous créatifs au quotidien, et c’est d’ailleurs pleinement le sens de l’œuvre de Ben que nous présentons dans le parcours… et qu’il ne vous reste plus qu’à découvrir !
Weena Truscelli.