Nawal Bakouri – L’art, outil de lien, d’ancrage et d’ouverture au monde.

Nawal Bakouri, nouvelle directrice de l’École Supérieure d’Art et de Design TPM (ESADTPM), succède à Jean-Marc Avrilla. Elle nous partage sa vision unique de l’art comme un vecteur de connexion entre les individus, le territoire et le monde. Avec un parcours riche mêlant commissariat d’exposition, enseignement et gestion culturelle, elle nous dévoile son projet ambitieux pour une école qui soit un espace de dialogue et de réflexion sur le rôle de l’art dans la société contemporaine.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Je me définis avant tout comme commissaire d’exposition, ou « curatrice » comme j’aime à le dire en féminisant le terme anglais « curator ». Ce métier consiste à prendre soin des artistes et de l’art, à être un médiateur, un conseiller, quelqu’un qui dialogue avec les créateurs pour tisser des liens entre l’art et la société. J’ai un parcours universitaire en histoire et théorie de l’art, avec une formation à la fois académique et pratique, ayant, entre autres, étudié à l’école du Louvre, et enseigné l’histoire de l’art, la sémiologie et la culture générale. Parallèlement, j’ai dirigé une galerie associative dédiée au design graphique et mené de nombreux projets indépendants, que ce soient des concours ou des expositions pour des partenaires publics. Depuis 2011, au moment où les écoles municipales ont intégré le système d’enseignement supérieur, j’ai enseigné aux Beaux-Arts. En 2020, j’ai dirigé l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Valenciennes et en 2021, j’ai rejoint le conseil d’administration de l’Association Nationale des Écoles d’Art (ANDEA), une année marquée par l’émergence de nouveaux équipements à Toulon. C’est dans ce contexte que j’ai découvert l’ESADTPM, un établissement que j’ai trouvé particulièrement stimulant, avec un nouveau bâtiment porteur d’une énergie renouvelée, idéale pour développer un projet ambitieux.
Vous avez pris la direction de l’ESADTPM avec un projet intitulé « Habiter la rade ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le projet « Habiter la rade » est encore en phase de développement. Pour l’instant, je me concentre sur l’observation et l’évaluation des dynamiques internes de l’école. Mon approche repose sur la conviction que l’art ne peut plus se cantonner aux galeries et aux musées. L’art doit investir le territoire, dialoguer avec les environnements humains, sociaux et écologiques. « Habiter la rade » fait écho à la notion d’habitat et de paysage, très travaillée en architecture. Un paysage, c’est une manière d’habiter, de travailler en lien avec le naturel et les artefacts humains. L’art et le design sont des maillons de l’activité humaine, ils ne peuvent être dissociés du reste. L’objectif est de tisser des liens au-delà de la rade de Toulon, de penser le monde depuis ce lieu, en reliant culture, nature et société.

Comment l’étudiant s’inscrit-il dans ce projet ?
L’art et la culture sont des outils précieux pour se situer dans le monde. À l’ESADTPM, nous formons non seulement des artistes et des designers, mais aussi des médiateurs, des régisseurs, des professionnels qualifiés dans les structures culturelles. Notre mission est de guider ces jeunes dans leur parcours, de leur apprendre à élaborer et mettre en œuvre des projets artistiques et culturels, de les préparer à leur rôle dans une société en mutation. Les stages qu’ils réalisent dans des institutions comme l’Opéra, le Musée d’Art de Toulon, le Metaxu ou encore Châteauvallon-Liberté, leur permettent de s’impliquer concrètement dans le tissu culturel local. Ce lien avec le territoire est essentiel. Nous sommes une école à taille humaine, ce qui permet un suivi personnalisé des étudiants. Notre rôle est de les accompagner dans leur réflexion sur leur future place dans la société, et de les aider à trouver leur voie dans le vaste domaine de l’art et de la culture.

Quels sont les axes principaux de votre projet pour l’école ?
Trois axes guident mon projet : d’abord, la relation avec les étudiants, pour qu’ils habitent pleinement l’école, qu’ils s’y sentent investis et qu’ils la considèrent comme leur maison. Ensuite, il s’agit de réfléchir à ce qui rend notre école unique, notamment notre approche contextuelle de l’art en lien avec la société et le patrimoine local. L’histoire de cette rade toulonnaise est très riche. Enfin, le troisième axe consiste à intégrer une dimension scientifique et artistique, en tenant compte des flux et des dynamiques globales, tout en agissant localement. Je m’inspire beaucoup des pensées d’Édouard Glissant, notamment l’idée de rhizome et de regard horizontal, pour développer une approche de l’art qui soit à la fois ancrée dans le territoire et ouverte sur le monde.
Fabrice Lo Piccolo

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