Pauline Testi – L’obsession du quotidien

Dessin et écriture

Que ce soit avec les livres, les mots, ou le corps, Pauline Testi questionne nos limites et nos usages par la contrainte afin de se réapproprier l’intime. 

Qu’est-ce qui te fascine dans nos usages des livres et des textes ?

Quand j’étais petite, j’avais une grand-mère dévoreuse de livres, on en avait plein. Mais, après son décès, les seuls livres que j’avais furent ceux qu’on devait acheter à l’école… et je ne voulais pas lire ces lectures imposées. Plus tard, j’ai voulu me réapproprier ce morceau de ma vie qui m’a échappé. Je choisis les livres de façon subjective, c’est important que ce soit moi qui aille vers le livre. Et je n’arrive pas à en lire un seul à la fois. J’ai besoin de créer des collisions avec différents textes pour les faire résonner. Je les massacre aussi ! (rire) Ils sont pleins de gribouillis, de notes, de feuilles ajoutées. Physiquement le livre s’use beaucoup, je le manipule comme de la matière. Je plains ceux qui les récupéreront ! Au-delà de l’objet, j’utilise beaucoup les mots à l’intérieur. Je n’expose pas les livres en tant que tel. Il y a une artiste, Martha Rosler, qui partage sa propre bibliothèque et je trouve ça génial, mais c’est tellement intime… Moi, je fais des relevés, des états des lieux de ma bibliothèque en utilisant les dernières phrases de chaque livre. Cela donne des paragraphes qui représentent chaque étagère. Je réorganise souvent ma bibliothèque pour que l’ordre ait du sens, j’ai du mal à les laisser en place. Une fois la nouvelle disposition trouvée, je fais de nouveaux paragraphes et avec tout cela, je fais des fanzines.

Pour cette exposition, tu vas présenter ton travail de dessin. Peux-tu nous en parler ?

Je fais des dessins des gestes répétitifs que je fais dans ma bibliothèque. C’est une façon de révéler les obsessions et les efforts qu’on s’impose… ça détermine nos limites. Depuis mes quatre ans, j’ai des migraines chroniques héréditaires qui font partie de ma vie. Elles me provoquent une hypersensibilité des yeux et j’ai un traitement. J’ai aussi des problèmes aux poignets. Ces contraintes physiques ont des répercussions dans ma pratique et cela ne sert à rien de les ignorer. Je sais faire des dessins très réalistes et j’ai souffert pour en arriver là, mais ça ne m’intéresse plus. Je préfère me comporter comme une machine. L’aspect mécanique est un fantasme dans ma pratique. En atteignant un produit lisse, je peux disparaître et questionner ma présence dans l’œuvre. Après avoir discuté avec Mikaël qui s’intéresse aux lieux dans lesquels il se trouve, j’ai eu envie de sortir de ma zone de confort. Normalement, dans ma pratique, avec mes livres, je reste dans une proximité physique avec ce qui m’entoure. Mais il y a un bâtiment en face de chez moi, que j’observe tous les jours, et qui fait donc aussi partie de mon intimité. Et j’ai décidé de l’éprouver à ma manière.

Tu participes à la création d’un collectif d’artistes, comment est venue l’idée ?

On a lancé l’idée avec quelques anciens camarades. La dynamique de groupe fait du bien et cela nous permettrait de trouver un lieu pour travailler. Depuis qu’on est sorti de l’École, on travaille chez nous ce qui est parfois contraignant. C’est également très enrichissant de pouvoir parler de nos créations dans un atelier avec des gens. On a cherché des résidences, on a aussi pensé aller vivre sur Marseille, mais on préférerait faire ça sur Toulon !

Maureen Gontier

BIOGRAPHIE

Après un cursus littéraire classique au lycée et une tentative peu concluante en prépa littéraire spé Arts, je me suis lancée dans l’aventure ESADTPM en 2013. J’ai validé mon DNAP en 2016, et j’ai obtenu mon DNSEP en juin 2019. Nous sommes actuellement en train de préparer avec d’autres artistes et anciens camarades de l’ESADTPM un collectif, mais nous sommes à peine au début de cette aventure (affaire à suivre).