Peggy Mahieu & Xavier Hérédia – Le bourreau est « une semblable », un miroir possible…

Du 12 au 14 Janvier au Théâtre Denis à Hyères

La Compagnie de l’Echo adapte « Contractions », une pièce de l’anglais Mike Bartlett. Peggy Mahieu et Hélène Megy, les comédiennes, révèlent les relations de pouvoir en jeu dans le monde de l’entreprise. Xavier Hérédia est à la mise en scène.

Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette pièce de Bartlett ?
X.H. : Nous menons une réflexion depuis de nombreuses années sur les rouages des systèmes parfois pervers de nos sociétés : manipulation, aliénation d’une personne par d’autres… Ce qui nous a premièrement séduits ici, c’est l’écriture, incisive et minimaliste, avec une forte densité de sous-texte. Les mots peuvent paraitre quotidiens et même cordiaux, mais en réalité ils sont très cinglants. La violence du texte apparaît dans ce qui n’est pas dit. Et bien sûr, le sujet. Emma, tout nouvellement employée dans une grande firme a accepté de signer un CDI qui comporte de nombreuses règles touchant à l’intime, on n’a pas le droit d’avoir une relation amoureuse ou sexuelle avec une autre personne de l’entreprise et tout ce qui pourrait mettre sur la voie d’une possible relation ne peut pas être accepté. Le moindre signe qui pourrait correspondre à une approche sentimentale peut être remis en cause, comme proposer d’aller boire un café. La manager a le devoir de faire respecter ces règles pour le bien-être de l’entreprise, mais elle peut être trop zélée. Un affrontement a lieu entre Emma, plus spontanée, et la manager complètement dans le contrôle et la manipulation. L’opposition est singulière. On va connaître tous les détails de la vie amoureuse d’Emma, alors que l’on ne connaitra même pas le nom de la manager.

Parlez-nous de ces deux femmes qui s’opposent.
P.M. : Au-delà de la dimension professionnelle, ce sont deux femmes qui sont face à face. La manager a aussi peut-être été à la place d’Emma pour en arriver là et pouvoir en écraser d’autres. On a voulu échapper au côté manichéen, rendre plus humaine cette manager. Elle est aussi victime. Et pourquoi Emma accepte-t-elle tout ça ? On peut préméditer que de cette façon elle aussi pourra atteindre le sommet de l’entreprise.

Xavier, quels ont été tes choix de mise en scène, avec notamment une violoncelliste au plateau ?
X.H. : Il y a quatorze tableaux et dans chacun d’eux, on grimpe d’un palier dans l’inacceptable. Le public se retrouve tour à tour dans la peau de chaque personnage, c’est toujours le troisième point du triangle. Elles sont face au public, elle ne se regardent jamais mais on a vraiment l’impression qu’elles se parlent. Cela crée une tension, on tord le cou au réalisme, mais la puissance est accrue.
P.M. : En termes de jeu, cela nous force à être dans une vision périphérique, et à être connectée à l’autre entièrement, à être attentive à la moindre respiration, aux micromouvements.
X.H. : Chaque élément non verbal devient essentiel. Ce langage non-verbal est soutenu par un langage musical. Le violoncelle vient apporter une vibration intérieure, c’est une voix, une âme, une intensité…
P.M. : La violoncelliste est une femme, elle peut aussi incarner la place du témoin, la mémoire, celle qui compatit et reçoit. Elle effectue un important travail d’écoute avec les comédiennes.
X.H. : Nous retrouvons aussi cette signature d’humour anglais. On sourit tout le temps. La première réaction à chaque réplique est que c’est drôle puis on perçoit la dimension violente. Dans la dramaturgie, il y a une perpétuelle ritournelle, une boucle est finie et une autre se met en place. On est dans un huis clos duquel on ne peut échapper. C’est très obsédant et hypnotisant pour le public qui est toujours pris à partie.

Fabrice Lo Piccolo

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