Raphaël Dupouy – À la croisée des temps

Raphaël Dupouy dirige le centre d’art du Lavandou dans l’ancienne demeure d’un grand artiste à laquelle il redonne toute sa vocation : un espace inspirant en l’honneur de la modernité.

Que peut-on dire sur l’évolution de la Villa Théo ?
Notre fréquentation a doublé en deux ans, notamment grâce à la médiatisation, aux réseaux dans lesquels on a pu s’inscrire et à la fidélisation de nos publics. Je dis « nos publics » parce que, pour séduire des publics différents, nous défendons une programmation éclectique, allant du classique au contemporain et nous comptons développer davantage ce croisement entre les temps. Ce serait un piège de s’enfermer dans une image passéiste. Nous sommes dans un lieu historique, mais il faut vivre avec l’art de son époque ! Nous tenons aussi à ce que la Villa Théo soit ouverte à l’année et que l’entrée reste gratuite. Nous avons fêté les cinq ans de notre centre d’art en fin d’année dernière et avons commencé l’année 2023 en beauté avec l’accrochage de photographies de Gilbert Garcin. C’est le genre d’exposition que nous rêvions de faire parce qu’elle parle à tout le monde.

La seconde exposition de l’année est en cours jusqu’au mois de juillet. Pourquoi avoir choisi le peintre Georges Rouault ?
C’est un artiste qui a été très connu à une certaine période et qui a une vraie force graphique. Il a eu des expositions aux États-Unis, à Tokyo… Il a d’ailleurs de grands fans en Asie, comme la firme Panasonic, par exemple. Nous avons eu l’occasion de rencontrer la famille de l’artiste car son petit-fils est un fidèle du Lavandou. Ils ont créé la Fondation Georges Rouault qui entretient et prête ses œuvres. Avec eux, nous avons fait une sélection de trente-deux œuvres qui ne sont presque pas vues du grand public et qui sont représentatives de sa pratique expérimentale.
Tout le reste de l’été, vous faites une exposition en partenariat avec le Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez. Comment s’est créée cette collaboration ?
Henri-Edmond Cross est le chaînon manquant entre le néo-impressionnisme et le fauvisme avant que Matisse fasse exploser la couleur. Il fait partie de l’Histoire de la Villa Théo, c’est notre ADN. Il a vécu à cent mètres et a attiré d’autres grands artistes dans la région comme Signac. Théo Van Rysselberghe et lui ont vécu une grande complicité culturelle dont j’ai parlé en mai à Saint-Tropez lors de la conférence « Itinéraires et amitiés croisées » qui annonçait les deux expositions à venir. Avec Séverine Berger, conservatrice en chef du Musée de l’Annonciade, nous avons imaginé un circuit sur H-E. Cross et nous réalisons un catalogue commun avec Marina Ferretti, la grande spécialiste du néo-impressionnisme en France et ancienne directrice du Musée de Giverny.

Quelle est la particularité de cette exposition ?
Nous avions déjà valorisé des œuvres de collectionneurs privés dont les parents ont connu l’artiste et qui étaient des dessins préparatoires pour des œuvres majeures. Cette fois, nous avons travaillé avec le musée tropézien sur un thème commun : « Cross dans la lumière du Var ». Au Lavandou, nous aurons un grand nombre de dessins et d’aquarelles. Cross était un très bon dessinateur classique, mais il fait aussi partie des artistes qui ont initié l’abstraction en libérant radicalement la couleur. Dans ce lieu, on se doit de faire un clin d’œil à ce mouvement artistique qui a été extrêmement novateur.

Maureen Gontier

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