Rémy Kerténian – Un héritage photographique inestimable

>>« Boris et Bernard Lipnitzki, La Photographie en héritage » jusqu’au 5 octobre

L’exposition « La Photographie en héritage » célèbre l’œuvre monumentale de Boris et Bernard Lipnitzki, en partenariat avec l’agence Roger-Viollet. Jusqu’au 5 octobre, découvrez l’héritage artistique de ces deux photographes, dont les images capturent l’essence de plusieurs décennies de mode, de culture et de société. Le Directeur des Affaires Culturelles de Toulon, co-commissaire de l’expo avec Christophe Guglielmo nous en dévoile les secrets.

Pouvez-vous nous présenter votre partenariat avec l’agence Roger-Viollet ?
C’est la deuxième fois que la Maison de la Photographie collabore avec l’agence Roger-Viollet. Ce partenariat est essentiel quand on connaît la richesse des fonds conservés et l’envie partagée de faire redécouvrir d’immenses photographes parfois tombés dans l’oubli et dont la mise en lumière est essentielle dans les missions de la Maison de la Photographie, depuis son ouverture en 2002. Le choix de Boris Lipnitzki s’est imposé naturellement. À sa mort en 1971, l’agence a pu acquérir sa production et celle de son studio, soit plus d’un million de négatifs et 600 000 épreuves. Puis, à la fin des années 1980 ce fut le tour d’un ensemble de photographies de son neveu Bernard… Une œuvre colossale. Nous avons travaillé main dans la main avec Christophe Guglielmo, chargé des projets culturels de l’agence, pour offrir aux visiteurs de la Maison de la Photographie une sélection permettant de présenter le travail de Boris et son héritage dans celui de Bernard.

Bernard Lipnitzki était le neveu de Boris Lipnitki, qu’est-ce qui les rapprochait et qu’est-ce qui vous intéressait chez ces photographes ?
En premier lieu c’est le parcours de Boris (1887–1971) qui fascine. Né en Ukraine près d’Odessa, il fuit avec sa famille les pogroms et s’installe à Paris pour ouvrir un studio en 1921. Présenté au géant de la mode Paul Poiret par des aristocrates russes en exil sa carrière est lancée. Dès 1924, il publie dans Femina et Excelsior des modèles de haute couture et des portraits des personnalités du Tout Paris. En 1940, fuyant à nouveau les persécutions envers les juifs il est accueilli à New-York par Chagall. Après guerre, il rentre à Paris, sa ville d’élection, et rouvre son studio. Il y travaillera jusqu’à la fin, avec le même souci d’exigence. On retrouve chez Bernard cette volonté de construire une carrière exemplaire. Au début coincé entre un oncle célèbre et son propre père, qui ouvre un studio de photographie au Venezuela, il va progressivement prendre son indépendance. Et, s’il travaille un temps chez Boris dans les années 1950, il comprend que son talent doit s‘exprimer en dehors des studios. Il offre son talent à France Dimanche, Paris-Match, Jour de France et Lui. Il est et restera reporter. À ses reportages de guerres nous avons choisi volontairement de présenter une série de portraits et d’images « people » en écho avec les œuvres de Boris, pour mieux comprendre ce qui les lie et ce qui les différencie. C’est là que la visite s’impose pour mieux comprendre ce qu’est un héritage !

Comment s’est fait le choix des œuvres, lesquelles avez-vous choisi d’exposer ?
Pour faciliter la lecture dans l’œuvre de Boris et son studio, nous avons souhaité un parcours à la fois thématique et chronologique. Tout commence avec la mode de l’Entre-deux-guerres et ses grandes figures : Poiret, Balenciaga, Chanel, Schiaparelli, Patou, Rubinstein, leurs modèles et une évocation de la femme face à la modernité : voyages, automobile, aviation… Suit une sélection montrant l’évolution de la mode balnéaire des années 1920 aux années 1960. Une seconde section rappelle le lien étroit de Boris avec les grands musiciens, souvent d’origines russes et le monde du ballet. On retrouve aussi une sélection de portraits de grands artistes de Foujita à Picasso, en passant par Chagall, Matisse, De Chirico ou Leonor Fini. À l’étage on retrouve une sélection de portraits des grands écrivains (Cocteau, Breton, Sartre, Duras) et la complicité de Boris avec l’univers du Théâtre (Louis Jouvet, Jean Marais, Gérard Philippe, Maria Casarès, Madeleine Renaud), du Music-hall (Montand, Piaf, Johnny, Sylvie Vartan, Françoise Hardy) et du Cinéma (Abel Gance, Danielle Darrieux). Pour l’œuvre de Bernard, nous retrouvons donc ces thématiques permettant de constater héritage et différences…Plus spontané, moins posé, il hérite cependant de cet art du portrait qui, même pris furtivement, arrive à capturer la personnalité du modèle. Je pense aux émouvants clichés de Françoise Sagan à Saint-Tropez, à Sophia Loren, Audrey Hepburn ou encore à Churchill dans sa voiture à Monaco…