Serge Liagre – Passeur d’art d’Yves Saint Laurent

A la Ga.M. à Toulon jusqu’au 11 février

Après l’exposition Falbala au Musée d’art en 2017, la Ville de Toulon poursuit sa collaboration avec la Villa Rosemaine. Serge Liagre nous dévoile les dessous de l’exposition dont il est le co-commissaire, « Yves Saint Laurent : une garde-robe intemporelle » pour fêter les soixante ans de création de ce génie..

Qu’est-ce qui vous a mené à Yves Saint Laurent ?
J’ai rencontré Monsieur Yves Saint Laurent en tant qu’assistant de Roland Petit et de Zizi Jeanmaire au Ballet de Marseille en 1993. Dans le bureau, j’entendais Zizi passer des heures au téléphone avec Yves à refaire le monde. Ma première approche avec eux était donc en tant que danseur. À ce moment-là, je voyais les vêtements se mouvoir, j’adorais faire de la mise en scène. Étant toulonnais d’origine, je suis devenu collectionneur de costumes provençaux du XVIIIe et XIXe siècles et de mode française des années 70 à l’adolescence. Je suis venu tardivement à collectionner des pièces plus récentes. En 2010, j’ai créé la Villa Rosemaine à Toulon, un Centre d’étude et de diffusion du patrimoine textile des trois derniers siècles et toutes les rencontres que j’avais pu faire comme celle avec Karl Lagerfeld ou Hervé Léger ont rejailli. C’est là que je me suis particulièrement intéressé au duo Pierre Berger et YSL.

Vous avez organisé cette exposition en co-commissariat avec Guénolée Milleret, historienne, enseignante-chercheuse. Quelles touches chacun de vous a-t-il apporté ?
C’est Guénolée qui a inventé le concept de mise en relation entre les lithographies historiques et le travail de mode de Monsieur YSL, parce que de son vivant, elle était sa petite main. De mon côté, j’ai alimenté ce processus en travaillant sur l’apport en collection textile. Chaque archive élargit le propos d’une inspiration supposée du maître par rapport à une thématique qu’YSL a sublimée. C’est une façon de resituer son travail dans l’histoire de l’art.

Comment rend-on hommage à soixante ans d’influence d’un des plus grands créateurs de l’Histoire dans un espace de galerie ?
Il est né à Oran et avec le rachat de la Villa Majorelle pour sa fondation, ses créations ont aussi une empreinte méditerranéenne très forte, qui prend tout son sens à Toulon. Il faudrait un espace dix fois plus grand, mais c’est pour cela qu’on a bâti l’exposition sur une dizaine de modèles phares, qui sont devenus des classiques : le smoking, le tailleur pantalon, la petite robe noire, le caban, la saharienne, la blouse paysanne, les burnous du soir, les robes tableaux ou drapées, les influences du folklore russe… Ce sont des thématiques qu’il a développées tout au long de sa carrière.

Comment YSL a-t-il réussi à créer des pièces intemporelles ?
C’est une vraie question. Difficile à dire, qui décide qu’une pièce devient un classique ? Cela veut dire que c’est adopté par les générations qui suivent. Par exemple, on me demande sans arrêt des smoking YSL. Je pense que c’est plus qu’une prise de pouvoir, c’est très érotique de voir une femme s’habiller en homme, et porter l’habit mieux que lui, peu importe l’époque. Un tissu porté peut dire beaucoup de vous. Comme l’a rappelé Rémy Kerténian tout à l’heure, Chanel a libéré la femme, Saint Laurent lui a donné le pouvoir.

Quelle est votre pièce favorite dans cette exposition ?
La robe de Paris, c’est le grand glamour à la française. Elle fait le lien avec une mode belle époque. C’est une robe de grand soir qui traverse les siècles, avec le faux-cul, le noeud, la traine… En plus, étant ch’timi, je tiens à remarquer qu’elle est en dentelle de Calais !

Maureen Gontier

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