Le chœur de sartène – Entre traditions et modernité.

Le Chœur de Sartène revient en habitué au festival Sacrée Musique. Ce chœur
d’hommes, porteur des traditions corses, rêve d’inscrire la polyphonie méditerranéenne dans l’histoire de la musique classique. Stéphane Paganelli, l’un des membres du sextuor, répond à nos questions.

Vous avez donné un magnifique concert, auquel j’ai assisté à l’église de Solliès-Pont l’année dernière, que retenez-vous de ce moment ?
A chaque fois que l’on fait un concert, peu importe l’endroit ou l’affluence, le chœur chante de la même façon : nous y mettons toute notre âme. Un concert, c’est un échange, et dans notre cas, il n’y a pas le « filtre » des instruments puisque nous chantons a cappella. Le public, et nous-mêmes, recevons directement les vibrations. Nous gardons un très bon souvenir de ce concert et de tous ceux que nous avons donnés pour Sacrée Musique. Ce festival nous tient à cœur, on y vient depuis la toute première édition. L’ambiance qui se dégage du public est fantastique.

Quel répertoire allez-vous aborder cette fois-ci ? Pour ma part, j’ai beaucoup aimé le passage de « La Passion »…
Notre répertoire est toujours sacré même si nous ne chantons pas que des chants sacrés. Nous avons récemment donné un concert à Sainte-Mère-Eglise et le prêtre nous le disait : « Même si ce ne sont pas des chants religieux, vos chants sont sacrés ». Nous portons la terre, la Corse, les oliviers… ce message qui pour nous est sacré. Quand on entre chanter dans une église, on n’entre pas dans une salle de spectacle ordinaire. Pour ce concert, nous proposerons quelques chants identiques dont trois des chants de « La Passion » mais aussi de nouveaux morceaux, quelques chants de Noël, ou des chants profanes de notre composition. Nous voulons ajouter notre part de joie à cette période de fêtes.

Qu’est-ce qui fait selon vous la popularité et la spécificité des polyphonies corses, et de la tradition sartenaise en particulier ?
C’est une polyphonie très vivante, il en existe de toutes sortes. Elle a été remise au goût du jour dans les années 1970, notamment par Jean-Paul Poletti, créateur et directeur du Chœur de Sartène. Depuis quelques années, il existe moins de groupes qui chantent a cappella. Beaucoup s’accompagnent d’instruments mais cela reste de la polyphonie corse. Nous, nous avons fait ce choix artistique de garder cette sonorité et cette façon de chanter uniquement avec nos voix. Notre spécificité provient d’une tradition d’écriture, avec une polyphonie un peu plus savante, écrite et transmise par la partition. À mon sens, le Chœur de Sartène plait car nous aimons ce que nous chantons, nous ne trichons pas.

Vous êtes héritiers d’une longue tradition, en quoi votre musique reste-t-elle contemporaine ?
C’est vrai que l’on est héritier d’une tradition très ancienne. Sartène est une fondation aragonaise qui a cinq-cents ans. Le chant sartenais est lui-même héritier du chant grégorien, avec un apport des moines franciscains. Mais c’est aussi de la musique contemporaine puisque pour la plupart, nos chants sont des compositions du groupe. Mais ancienne ou contemporaine, la musique que l’on chante repose sur une tradition très vivace. La Corse résiste, en partie car c’est une île, à tout ce qui touche à la mondialisation, à la cancel culture, à l’oubli de nos traditions, et dans notre société où l’on manque de repères, la polyphonie corse, bien qu’elle soit très actuelle et moderne, porte cette tradition, cette authenticité. Mais la tradition corse touche aussi les gens du Sud, de la Bretagne, du Cantal, qui y sont sensibles, car la France est une terre de terroirs.

Fabrice Lo Piccolo

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