LEONARDO GARCÍA ALARCÓN – Attention : chef-d’œuvre baroque.
>> »Le Couronnement de Poppée », les 10, 12 et 13 avril au Liberté à Toulon
Un chef de renommée internationale, Leonardo García Alarcón, qui dirigera son orchestre de référence Cappella Mediterranea ; une mise en scène réalisée par l’Américain Ted Huffman, invité par les plus grandes scènes du monde : pour le public toulonnais, une rare occasion d’assister à un opéra baroque servi par les meilleurs talents du moment.
Leonardo García Alarcón, comment est né votre ensemble Cappella Mediterranea ?
J’ai fondé Cappella Mediterranea en 2005 avec des amis musiciens. Nous partagions les mêmes idéaux esthétiques. Après une résidence en 2006, nous avons enregistré nos premiers disques. Cela nous a permis d’être appelés par les différentes maisons d’opéra, notamment le festival d’Aix-en-Provence et l’Opéra de Paris. Nous avons alors commencé à la fois une carrière d’interprétation d’un répertoire très connu, comme Mozart, et de redécouverte d’un patrimoine inédit, comme Sacrati, Cavalli ou Falvetti, dont les pièces dormaient dans les bibliothèques. Nous sommes un noyau de musiciens spécialisés dans l’accompagnement de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans « Le Couronnement de Poppée » ?
« Le Couronnement de Poppée » (1642) était pour moi une pièce assez mystérieuse. On possède plusieurs manuscrits de la musique. À les étudier, on voit à quel point l’opéra était un laboratoire des émotions humaines. Tout d’abord, il y a de grandes différences d’une partition à l’autre. Ensuite, la pièce changeait de forme en fonction du public. Dès 1637 à Venise, l’opéra s’adapte au goût du public, à la demande, à cette contrainte qui fait qu’on doit vendre des billets. Le Couronnement de Poppée naît d’un compositeur comme Monteverdi (1567-1643) qui associe certains de ses élèves à la composition. C’était intéressant de comprendre qui avait écrit quoi à l’intérieur de cette pièce. Je me sentais comme un agent secret… La liberté que cela nous laisse est énorme. Au XVIIe siècle, il n’y avait pas de notion d’œuvre figée. Au XXIe siècle, travailler avec un metteur en scène, c’est aussi lui donner la liberté de création pour que cette pièce puisse correspondre à son concept dramaturgique.
On dit de Monteverdi qu’il est le père de l’opéra moderne. Retrouvez-vous cette modernité dans « Le Couronnement de Poppée » ?
Trente-cinq ans après son « Orfeo » (1607), qui est la pièce fondatrice de l’opéra moderne, Monterverdi s’adapte. Dans Le « Couronnement de Poppée », il écrit des mélodies beaucoup plus modernes, dans le style vénitien, c’est-à-dire que n’importe quel gondolier aurait pu chanter ces airs. On est davantage dans un art populaire que dans « Orfeo », qui est un opéra de cour, plus élitiste.
Quel a été le parti pris du metteur en scène Ted Huffman pour cette représentation ?
Normalement, l’action du « Couronnement de Poppée » se déroule sur 24 heures. Ce que Ted Huffman a imaginé est formidable : un seul espace, duquel les personnages ne sortent jamais. Ils sont là, se maquillent, agissent sur scène. Cela a donné une interaction formidable. C’est comme une machine théâtrale des émotions. Chaque personnage se nourrit d’observer les actions, les pulsions des autres. Ted Huffman a fait une lecture en profondeur de l’œuvre. Presque sans décor. Avec des costumes très sobres. On est dans la synthèse de la catharsis, de la purification, de ce que chaque émotion provoque chez chaque personnage.
Quel accueil le public réserve-t-il à cet opéra du XVIIe siècle ?
Chaque fois, l’accueil est extraordinaire. On est surpris, car l’œuvre a une certaine densité, ce n’est pas un opéra de Verdi ou Puccini. Monteverdi touche le public d’aujourd’hui presque comme s’il s’agissait de musique contemporaine. Beaucoup de personnes pensent que Monteverdi est dans la salle. C’est cela qu’on cherche avec notre ensemble : trouver l’évolution actuelle, contemporaine, d’une musique qui a été écrite il y a quatre siècles. Le public réagit avec force à cela. C’est presque une explosion. C’est énorme ce que Monteverdi provoque. On se rend compte que c’est le Shakespeare de la musique ancienne.
Dominique Ivaldi