Marie-Claude Pietregalla – Servir la danse.

La femme qui danse – jeudi 1er février

Elle est certainement la danseuse et chorégraphe française la plus célèbre. Danseuse étoile de l’Opéra de Paris dès 1990, directrice du Ballet National de Marseille en 1998, elle fonde en 2004 avec Julien Derouault le Théâtre du Corps. Son dernier spectacle, plus que sa propre histoire, raconte son amour pour la danse.

« La femme qui danse », c’est un peu votre autobiographie ?
C’est à partir de textes que j’ai écrit sur la danse, sur mon expérience personnelle, que j’ai souhaité mettre en scène et chorégraphier. J’amène le spectateur dans un voyage sensoriel, avec un travail sur la voix et la respiration, et visuel, avec la chorégraphie et une scénographie d’images qui interagit avec ma voix. Je pars de cette découverte de la danse que j’ai faite étant enfant. Mais au-delà de mon expérience personnelle, cela résonne dans le cœur et le corps de ceux qui aiment la danse, qui en ont fait ou qui s’interrogent sur ses origines, son développement…

Parlez-nous du procédé de sons, très complexe, que vous contrôlez avec divers appareils…
Je suis microtée. On entend donc toute cette respiration qu’en général on ne dévoile pas au public. Tout cela est amplifié, il y a des delays, le travail est important. Dans une partie du spectacle, j’ai un capteur qui permet de changer le rythme de la musique, qui va suivre les mouvements du corps, et qui agit également sur l’image. C’est très agréable tout à coup de pouvoir gérer la musique, qu’elle s’adapte à nos mouvements et non le contraire.

La bande son est plutôt éclectique, de Tchaikovsky à Birdy Nam Nam, c’est pour rendre le spectacle accessible à tous ?
C’est aussi par rapport au propos de chaque tableau. Elle peut être en lien avec le texte, la chorégraphie, ou en prendre le contrepied, comme du contemporain sur du classique. J’aime la musique dans sa globalité : classique, électro, vocal… Le choix n’est pas gratuit, il sert le spectacle, mais est aussi réalisé par rapport à mes goûts.

C’est un exercice facile pour vous d’écrire ces textes ?
Le « Théâtre du corps », fondé avec Julien Derouault, est une structure originale où nous imbriquons théâtre, danse, textes, poésie… Là c’est encore plus particulier : nous mettons en spectacle mes pensées propres sur la danse. On doit livrer une intimité de sensations, d’émotions, de ressentis. Ce n’est pas évident de mettre des mots sur les premières impressions que nous avons eues quand notre corps s’est mis à bouger. Mais je sentais que c’était le moment de le faire, c’était un rendez-vous presque évident. J’aime transmettre, et je souhaite aider cette génération qui arrive. J’ai d’ailleurs sorti chez Laffont une série jeunesse, moitié autobiographie, moitié fiction, sur l’Opéra de Paris, que nous sommes en train d’adapter en BD. C’est un spectacle ouvert à tout public par quelqu’un qui parle de sa passion, qui peut être le miroir d’une autre passion, que ce soit la musique, le chant etc. Quand on est passionné, on est happé par notre discipline.

Quelles sont les principales qualités d’une grande danseuse ?
Se demander avant tout comment on sert la danse : par rapport à soi ou dans la générosité. La danse est bien plus grande que les danseurs. Même si on est un grand danseur, et j’en ai rencontré, la danse nous dépasse. Il faut aimer par-dessus tout l’art, être conscient qu’on le sert. Cela va nous nourrir et nous permettre, à tous les âges, d’ouvrir le champ des possibles. Plus on a d’ouverture intellectuelle, plus on sert notre art. Il faut croiser les disciplines. Les arts visuels, la littérature, la technologie, tout nous nourrit. J’adore les arts croisés. Il faut être ouvert, curieux, et tous les jours, tel l’artisan, remettre son ouvrage sur le métier. Il faut également vivre intensément chaque minute. La danse est un art éphémère, il magnifie nos vies, mais quand le rideau est tombé la poésie s’arrête.

Fabrice Lo Piccolo

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