Rita Parker – À l’état sauvage

>>“How to Stay Wild” à la Maison de la Photo de Toulon jusqu’au 12 février 2025.

Rita Parker est plasticienne et vidéaste, formée aux Beaux-Arts de Marseille. La Maison de la Photographie l’a invitée à une résidence de création à la Médiathèque Chalucet et présente actuellement ses œuvres dans une exposition au titre évocateur « How to stay wild » (Comment rester sauvage). Elle y montre son projet global « The Line Project  » et ses nouvelles pièces. Rencontre avec une artiste sauvage…

Alors Rita, comment rester sauvage ?
“How to Stay Wild”, c’est une affirmation plus qu’une question, il n’y a pas de point d’interrogation. Ce titre interroge ce que signifie être sauvage aujourd’hui, dans des sociétés qui nous formalisent et nous façonnent. On manque de cet état instinctif, émotionnel et intuitif qui nous connecte au vivant. Pour moi, l’état sauvage est essentiel, particulièrement en tant qu’artiste. On retrouve ce côté sauvage, brut, direct dans mon travail, surtout dans la série à l’étage, que j’ai appelé « Focus2 ». Au rez-de-chaussée, la série s’appelle « Si je ne peux danser » et ce côté sauvage est abordé par l’idée de la fête et la danse. Pour ce titre, j’ai été inspirée par le célèbre adage que l’on attribue à Emma Goldman (mais qui n’est pas d’elle) : “If I can’t dance, I don’t want to be part of your révolution”. Emma était activiste, féministe, anarchiste, écrivaine et fauteuse de trouble…

Ton projet global s’intitule  » The Line Project « …
Il est né en 2003. Tout est parti d’une exposition à Marseille où j’ai décidé de scotcher des photos et dessins au mur et de continuer à dessiner directement sur le mur et le sol. De là est née une ligne que je ne pouvais plus arrêter. J’ai tracé cette ligne et filmé le processus pendant un an, capturant les saisons et les lieux, de New York au Japon, en passant par le Guatemala. Chaque lieu influençait ma manière de créer. Au Japon, la calligraphie m’a fascinée, notamment l’idée qu’un cercle parfait ne se ferme jamais. Ironiquement, à Londres, mes affaires ont été volées, me forçant à arrêter mon projet avant de revenir à Marseille et à ne pas fermer entièrement ce cercle. Depuis, j’ai continué à tracer cette ligne en collaborant avec d’autres artistes.

À l’étage, on retrouve une rétrospective de tes œuvres. Peux-tu nous en parler ?
« Focus2 » représente le retour à l’atelier après mes voyages. J’utilise des images de ces vidéos que j’ai réalisées, sur lesquelles je redessine, fragmentant et altérant la réalité avec des cercles et des traits au crayon. Le moment où je prends la vidéo est un premier focus, et celui où je dessine un second, d’où cette idée de Focus2. Mes sujets sont ancrés dans mon quotidien, qu’il s’agisse de Marseille, du Maroc ou d’un coin de ma cuisine. L’inspiration vient aussi de mes lectures, comme « L’Esthétique relationnelle » de Nicolas Bourriaud, et de mes réflexions sur la manière de se reconnecter au monde réel et aux autres artistes.

Et au rez-de-chaussée, tu présentes les œuvres créées récemment en résidence à la Médiathèque Chalucet…
Oui, j’y ai travaillé pendant deux mois, dans de très bonnes conditions. J’ai produit des grandes pièces tirées d’un travail de VJing que j’ai réalisé au Fusion Festival à Berlin. Ce travail était une superposition de couches de différentes vidéos que j’ai réalisées, où j’apparais parfois en silhouette. Ici, j’explore comment le réel peut se transformer en abstraction picturale, avec une quête d’harmonie dans l’image altérée. Je sélectionne des captures d’écran, les superpose, les modifie avec du collage, du dessin ou de la peinture…

Tu accordes aussi une grande importance aux titres…

Les titres sont essentiels. En bas, je les aborde d’une manière décalée. J’ai tapé au hasard sur le clavier et gardé les lettres qui apparaissaient. Quand on fait de la vidéo, on dispose de soixante images/seconde. Pour en choisir une seule, j’ai des milliers de possibilités, et, bien que je ne les choisisse pas du tout de manière aléatoire, ces titres représentent cette multiplication des possibles. A l’étage cependant, ce sont des titres intelligibles. Par exemple « Les Révoltés du Bounty » est un triptyque tiré de mes séjours en Polynésie française, où certaines îles appartiennent à Marlon Brando. Toujours en Polynésie, une œuvre s’appelle « La bombe H au pays des merveilles » car sur ces îles coexistent la beauté des paysages et le poids des essais nucléaires. On y voit un Polynésien tatoué et un champignon atomique. « Ambulo ergo sum » montre l’importance que je porte au mouvement. Je veux que mes œuvres évoquent l’énergie, la vie et l’interconnexion. Comme le disait Picabia : “On doit traverser les idées comme on traverse les villes.” C’est en ce sens aussi que dans la salle du bas, les œuvres se poursuivent sur les murs, au-delà du cadre.

Fabrice Lo Piccolo

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