Tadashi Kawamata – Resurgir

ARTS PLASTIQUES

Installation « Déplacement »
Place Monsenergue, Toulon
Du 21 juin au 30 septembre

Parfois, l’art se saisit dans le temps. Provocant à travers le monde de vives hostilités, les œuvres de Tadashi finissent toujours par toucher profondément. En redonnant vie aux objets incarnés qui appartenaient aux habitants, l’artiste rend hommage à leur histoire. Ainsi, la mémoire des cimetières d’oublis refait surface.

Vous avez appelé votre œuvre « Déplacement», pourquoi avoir choisi ce titre ?
Il y a deux ans, je suis venu à Toulon et j’ai rencontré Charles Berling qui m’a proposé de réaliser une œuvre dans la ville. Alors, je suis parti à la recherche de matériaux, de rebuts. C’est ma façon de fonctionner. On a pris la voiture et j’ai conduit autour du port, dans la rade en allant vers la Seyne-sur-Mer et j’ai vu beaucoup de bateaux échoués ou abandonnés. Je me suis dit qu’on pouvait peut-être les récupérer et les mettre quelque part pour que ça prenne un autre sens. Tout est parti de cette première idée ! J’avais déjà travaillé sur une œuvre avec des bateaux avant cela, mais cette fois ce qui m’a étonné c’est qu’il y a une centaine de bateaux abandonnés que n’importe qui peut récupérer sans les acheter. C’est gratuit, mais il faut payer le déplacement… À vrai dire, c’était assez simple dans cette situation pour moi, mais ça peut aussi être compliqué et dangereux selon la météo et toutes les villes de la Mer Méditerranée ont ce problème. Au Japon, nous avons moins de bateaux de plaisance, c’est donc quelque chose que je n’avais jamais vu. C’est pourquoi j’ai choisi ce titre, pour cette action simple, qui n’est pas si anodine à travers le monde.

Quelles-ont-été les étapes de création par la suite ?
J’ai cherché un endroit pour l’installation. J’en ai proposé beaucoup, puis j’ai trouvé que cette place en plein passage devant le Musée de la Marine était le meilleur emplacement. J’ai visité le musée, qui est génial , avec de très belles maquettes. Concernant les sept bateaux, j’ai souhaité qu’ils restent à l’état brut, mais nous avons créé une structure interne pour que, techniquement, ils tiennent dans cette position, comme s’ils étaient en équilibre.

Comment avez-vous vécu cette expérience dans notre ville ?
Je découvre Toulon et j’aime beaucoup cette ville, on a été très bien accueillis. L’équipe du Théâtre Liberté a été adorable ! On s’est baladé dans laville et on nous a raconté son histoire, la guerre mondiale, mais aussi la relation des hommes à la mer, aux transports, au Mistral… Je suis né à la montagne et je ne suis pas familier avec la mer ! Nous avons des comportements différents, les gens ici sont très chaleureux et amicaux, surtout maintenant que les terrasses ont rouvert et que tout le monde est dehors ! Cette fois, c’était un peu particulier, tout s’est passé très vite et nous ne savions pas quelles allaient être les réactions des habitants une fois l’œuvre installée. Nous attendions de savoir ce qu’ils allaient penser lors du vernissage et ce que cela allait signifier pour eux. J’ai rencontré beaucoup de Toulonnais en peu de temps, mais nous avons dû faire des réunions en visio à distance depuis le début du projet en 2019 et nous n’avons pas pu rester longtemps sur le terrain à cause du COVID. Nous avons eu moins de temps que d’habitude pour expliquer notre projet aux habitants. D’une autre manière, c’est aussi excitant et intéressant de garder cette surprise. L’œuvre restera installée jusqu’au mois d’octobre et je suis ravi, parce que c’est le seul de mes projets dans le monde qui a pu être maintenu malgré le contexte sanitaire !

Maureen Gontier

Juillet 2021