ALICE MOINE – A la recherche de son double

Les Belles Plantes, déjà paru À la Fête du Livre d’Hyères – 21 et 22 mai

L’écrivaine d’origine varoise Alice Moine travaille également comme monteuse pour le cinéma. Dans son nouveau roman, « Les Belles Plantes », son écriture imagée nous entraîne dans un road-movie à travers le marais poitevin et le Pays basque à la recherche d’une sœur bipolaire. Elle sera présente à la Fête du Livre d’Hyères

Que raconte ton nouveau roman ?

C’est l’histoire de Stella, céramiste bordelaise de renom, qui va devoir se mettre en quête de sa sœur jumelle, avec laquelle elle a coupé les ponts depuis quinze ans. Louna a disparu, laissant désemparée son jeune mari, sans papier, et son très jeune bébé. Stella ne va avoir d’autre choix que de parcourir les décors de leur enfance, pour retracer leur histoire commune. Elle découvre que Louna est atteinte de bipolarité.

Cette maladie est le thème central de ton roman, comment l’amour, dans ce cas-là sororal, y résiste-t-il ?

Avec difficulté. Mon héroïne a conservé cet amour, relatif à l’enfance. Mais elle a trop souffert des frasques de sa sœur… Aimer, c’est échanger de manière équitable, et là, elle a plutôt été une mère de substitution la leur étant morte. Ça l’a empêchée de s’épanouir. L’amour résiste grâce à la distance qui crée un manque. Celui-ci nourrit son art qui tourne autour de sphères, du vide, de deux moitiés… Je suis fascinée par le thème du double, cette vierge folle et cette vierge sage que l’on a tous en nous. La littérature me permet de pousser les curseurs de notre propre fantaisie, avec des personnages un peu plus délurés, un peu plus extrémistes. J’ai dû composer avec les conséquences de cette maladie depuis la tendre enfance, car j’ai eu moi-même une parente très proche, avec qui j’avais six mois de différence, qui en était atteinte. J’ai eu besoin de créer de la fiction pour échapper au réel.

Tu saupoudres tes récits d’éléments de ton vécu, l’écriture a-t-elle une fonction cathartique pour toi, et pour ton lecteur par extension ?

Le chemin fait à travers ce récit me permet de mieux comprendre mon histoire et de la digérer, sans rancœur. Je crois au pouvoir des mots, à leur faculté de transformer ceux qui les écrivent et ceux qui les lisent. Les lecteurs confrontés à cette maladie m’ont fait des témoignages qui m’ont émue. Dans ce livre, ceux touchés par ce mal et leur entourage peuvent trouver un espoir de consolation.

Les lieux sont importants dans ton œuvre, comment as-tu choisi les régions où se passe le récit, et quel est leur rôle ?

Le roman est en deux parties : « Le Plat Pays » et « Gouffres et sommets ». C’est une métaphore des hauts et des bas du bipolaire. Le plat pays, c’est le marais poitevin où elles ont grandi. Gouffres et sommets se situe en Haute-Soule dans le Pays basque, le paradis des spéléologues, où elles passaient leurs vacances. J’avais déjà tenté d’écrire ce roman mais j’avais abandonné. Quand j’ai voulu le reprendre, j’ai découvert la grotte de La Verna en Haute-Soule. C’est une grotte sphérique de deux-cent cinquante mètres de diamètre. C’est un univers où ne pénètre pas la lumière, sans vie animale, on n’est en contact qu’avec l’eau, l’argile, la pierre… Pour moi, cet espace ressemblerait au commencement du monde, il me fait penser au ventre de la mère. C’est dans ce lieu, qu’elles visitaient petite, que Stella, va comprendre l’ampleur de ce qu’elles ont vécu. Cette révélation pourrait lui permettre de s’épanouir pleinement dans son présent. Dans notre monde, où la normalité est la règle, les bien portants ont tout autant besoin de lien avec ceux qu’on considèrerait en marge ou malade, pour avancer sur leur chemin. Louna pourrait bien l’aider à se sauver de son mal-être.

Fabrice Lo Piccolo