Frank Cassenti – La musique fait du bien à l’âme.

Jazz à Porquerolles, du 9 au 12 juillet sur l’île de Porquerolles.

Le mythique festival de jazz revient pour sa vingt-deuxième édition dans le cadre idyllique du Fort Sainte-Agathe sur l’île de Porquerolles. Frank Cassenti, cinéaste à qui l’on doit de nombreux films pour le cinéma et la télévision, son créateur, revient sur son histoire et nous détaille la programmation de cette année.

Comment en es-tu venu à choisir le lieu du festival ?
J’allais souvent à Port-Cros en voilier mais je ne connaissais pas Porquerolles. Un jour d’hiver, alors qu’il y avait beaucoup de mistral, je me suis réfugié sur cette île magnifique. J’ai envoyé un message à François Carrassan, l’adjoint à la Culture d’Hyères, que je connaissais peu. Il connaissait mes films sur le jazz et Archie Shepp, nous avions un langage commun… Nous avons décidé de créer le festival l’année suivante. Archie Shepp et Aldo Romano m’ont aidé à monter le festival, ils pensaient qu’une île était l’endroit idéal pour un festival de jazz. Archie est une légende de la musique afro-américaine et Aldo, plutôt européenne, cela a donné un festival qui abolit les frontières. Aujourd’hui, les gens prennent conscience de la dimension essentielle de la culture, avec le Covid, la guerre en Ukraine… Les musiques du monde véhiculent des cultures et sont enracinées dans le corps et l’esprit des gens. Le jazz est une musique du métissage et nous sommes dans le temps du métissage.

Peux-tu nous parler de la programmation de cette année ?
Le premier soir, nous accueillons BCUC, un groupe d’Afrique du Sud qui avait déjà mis le feu en 2018. J’ai fait des films en Afrique du Sud : il y a une trentaine de langues différentes et chaque langue a sa musique. C’est une musique de résistance : les armées Zulus tapaient le sol avec leur pied pour effrayer les Boers, et pendant l’apartheid les chants étaient interdits… En première partie, nous aurons Krystle Warren, une grande chanteuse américaine que j’ai découverte à La Messon à Marseille, dans l’esprit de Cassandra Wilson. Le mardi, nous proposons une création. Une amie m’a fait découvrir Kareen Guiock Thuram, qui a réalisé un album hommage à Nina Simone, et a une très belle voix. J’ai demandé son avis à Jacky Terrasson, qui a souvent joué avec des chanteuses, et il a accepté de se produire en duo avec elle. Michel Benita, très grand contrebassiste français, jouera le même soir. A Porquerolles, le public peut facilement rencontrer les artistes. Un jour Yuri Buenaventura, alors que son concert était complet, a accepté de faire un petit live privé après son show pour les bénévoles qui n’avaient pas pu y assister. C’est ça l’esprit du festival : musique et partage. Le clou du festival sera la soirée avec Black Lives, un groupe de musiciens afro-américains formé par les leaders de différentes formations et très engagé dans la lutte pour les droits civiques. C’est un voyage dans l’histoire de la musique afro-américaine, du gospel au reggae en passant par le free jazz. Et le dernier soir, nous aurons le concert de Mônica Passos, une chanteuse brésilienne à la voix magnifique et marraine du festival ; ainsi que celui de Majid Bekkas Gnaoua Fusion feat. Hamid Drake. Etant né au Maroc, j’ai connu la musique Gnaoua dans mon enfance et j’ai tourné plusieurs films dessus. C’était alors la musique du diable, comme l’a été au départ le blues. Aujourd’hui, c’est la musique officielle du pays. On aura bouclé la boucle, de l’Afrique du Sud au Maghreb en passant par le Brésil, en commençant par la danse et en finissant par la danse. La musique doit être joyeuse, surtout en ce moment, elle doit faire du bien à l’âme.

Fabrice Lo Piccolo

Du Jazz à Porquerolles !